Par deux fois, nous avons vu une carte de la Polynésie française plaquée sur  celle de l’Europe. L’une et l’autre se superposent presque, ce qui montre l’étendue de ces confettis répandus dans le Pacifique Sud. Australes, Gambier, Marquises, Tuamotu, Société, tous ces noms font rêver à défaut de savoir les situer…


Tahiti, là encore, est faite de 2 îles volcaniques reliées par un isthme. Le plus haut sommet n’hésite pas à dépasser les 2.000 m, et on y voit des « ravines » comme à La Réunion, quoique moins impressionnantes.

À la différence de Huahine, très peu de barrières de corail. Le sable des plages est donc issu essentiellement des laves et basaltes, d’où une couleur noire peu attirante pour la serviette de bain.

Une bande côtière, là encore souvent étroite, autorise une route circulaire, mais qui s’interrompt à cause du relief dans l’île sud.


Papeete, la ville principale, est bien telle qu’on l’imaginait. Peu de bâtiments remarquables et historiques, un port important, et une circulation quasi parisienne aux heures de pointe, compte tenu du faible nombre d’accès.

Nous logeons chez Maria et Alain, dans une dépendance de leur maison, tout au bout d’une « servitude » de Puna’auia, commune périphérique de Papeete.

Une servitude est une petite rue, parfois sans nom. La nôtre est bordée de maisons basiques, dans un état souvent délabré, alors que la commune de Puna’auia est plutôt d’un bon standing. Alain, instituteur « Razed », et qui a habité en Guadeloupe, Martinique et St Martin, nous explique qu’à Tahiti, les écarts de richesse sont bien plus importants que dans les autres DOM. Son quartier est donc un condensé de l’île, où l’on trouve aussi bien des Porsche Cayenne que des pick-up antédiluviens.


Une vaste chambre, une salle de bain bien équipée et un accès internet presque rapide, il y a tout ce qu’il faut au routard moderne dans ce nouveau logis. Dommage que Air New Zealand nous ait obligés à raccourcir notre séjour en Polynésie, avançant d’un jour notre départ pour le « Pays du Long Nuage Blanc ».


Grâce à notre voiture roumaine (Dacia Duster), nous avons pu faire quasiment le tour de l’île. Quasiment, mais pas complètement puisque les routes côte ouest et côte est ne se referment pas à la pointe sud de l’île du sud. Arriver au bout de ces deux tronçons, c’est comme arriver au bout du monde.

L’extrémité est se termine brutalement sur… un grillage, empêchant d’accéder à un embryon de piste vite absorbé par l’épaisse végétation.

Demi-tour fût donc effectué et, après avoir découvert l’étonnant cimetière du coin, avec ses tombes soigneusement protégées de clôtures et toitures en bois, le goudron fut repris. Pas longtemps, car nous tombons sur une manifestation toute pacifique comme nous en avions déjà vu, pour cause d’élections de députés le lendemain. Dans un hameau, de chaque côté de la rue principale et presque unique, se tiennent hommes, femmes et enfants, tout d’orange vêtus. Agitant joyeusement des drapeaux de cette couleur, ils manifestent bruyamment à chaque passage de véhicule. Il est bien tentant de s’arrêter et de sortir l’appareil photo ! Nous avions déjà rencontré des drapeaux rouges (parti au pouvoir), oranges (le parti N°2 actuellement), bleus et blancs (indépendantistes) et verts (écologistes). Tout ceci est bon enfant, et acclamations et rires fusent à chaque passage de véhicule.

Un cortège de voitures s’annonçant bruyamment, je passe en mode vidéo et entreprends de filmer l’événement. 5 minutes et 20 secondes plus tard, je peux enfin appuyer sur Stop ! Je ne sais combien de dizaines de voitures et pick-up sont passés, mais nous avons l’impression que tous les véhicules de Tahiti ont défilé devant nous.


L’extrémité de la route ouest aboutit au village de Teahupoo, célèbre dans le monde des surfeurs. Là, quand la vague se présente sous de bons auspices, elle déferle sur un fond d’une hauteur d’eau extrêmement faible, laminant le surfeur qui a eu la mauvaise idée de tomber. Son surnom de « mâchoire » n’incite pas à tenter l’expérience…

Mais ce jour-là, calme plat sur le lagon. Une misérable vaguelette de quelques décimètres n’attire que les enfants chahuteurs. Et l’appareil photo est d’autant plus rapidement  rentré dans son sac qu’un orage tropical s’annonce à l’horizon.


Pour rentrer à Papeete nous eûmes droit à un embouteillage long d’une vingtaine de km, que nous attribuâmes à nos amis les orangistes vus auparavant.  À raison sans doute, car la circulation redevint fluide, une fois dépassés les véhicules arrêtés, munis des oriflammes habituelles.


Pour la deuxième fois, nous avons fait le choix des roulottes pour le dîner. Elles sont typiques apparemment de Tahiti, de Huahine et sans doute d’autres îles de la Polynésie.

Il s’agit soit de camionnettes analogues à nos « food trucks », soit de cabanons façon Algeco, dont la surface au sol doit probablement et astucieusement être en dessous des 20 m2fatidiques pour éviter les tracasseries administratives…

Confectionnés généralement par des femmes d’origine polynésienne ou chinoise, les plats sont servis à l’image de la propriétaire et de l’embonpoint local, avec des prix très doux. Steaks généreux, thon ou espadon grillés, poissons crus sous diverses formes, le tout accompagné invariablement de frites ou de riz. Pas l’ombre d’une boisson alcoolisée (ah, l’Administration française !), il faut nous contenter de sodas ou de jus d’ananas en brique. Assis sur des tabourets de plastique, humant un air saturé d’effluves de vapeur grasse, nous nous prenons presque pour des Tahitiens ! À quelques mètres un petit orchestre de musiciens amateurs nous gratifie de musiques et chants polynésiens. Notre dernière soirée au milieu du Pacifique touche à sa fin.


Et le dernier jour, que dis-je la dernière demi-journée arrive. Une photo d’Alain et son fils  Octave, et nous quittons définitivement notre servitude sans nom au prix d’une marche arrière de plusieurs centaines de mètres.


Nous n’avons malheureusement pas le temps de visiter le musée de la Polynésie tout proche, nous savons qu’il mérite plus de temps libre que nous n’en avons. Nous avons opté en ce dimanche pour un office au temple protestant. Ici la religion chrétienne est représentée par toutes ses composantes : catholiques, protestants et évangélistes, ils sont tous là. Quelques imams ont bien essayé d’apporter la bonne parole, mais ils ont été priés d’aller voir ailleurs et de laisser les femmes s’habiller légèrement…

Comme annoncé, l‘assistance est colorée grâce aux habits et chapeaux de ces dames.

Curieusement celles-ci et les hommes ne se mélangent pas. Quelques bancs occupés par des dames aux tenues chamarrées et aux chapeaux décorés de fleurs, puis quelques bancs adoptés cette fois par des hommes aux tenues nettement plus sobres, tout en étant locales.

L’office dure une bonne heure, et nous évoluons entre nef et galerie, photographiant le plus discrètement possible. Fréquemment des chants polynésiens sont entonnés par les femmes, sans l’aide d’aucun instrument. Comme à la messe à l’île de Pâques, je fais une « captation » sonore pour garder une trace. Parfois des répons sont assurés par des hommes, avec des sonorités très gutturales, étonnamment analogues à celles des Zoulous d’Afrique du Sud.


Tout cela est un peu répétitif, mais une pluie toute bretonne nous incite à patienter une bonne heure. Enfin elle s’arrête et nous pouvons partir vers de nouvelles aventures, une école où les habitants se rendent pour les élections du jour (1° tour).

Tout autour du carrefour situé devant l’école, les groupes habituels occupent les trottoirs et sont heureusement contenus par des barrières. Les différentes couleurs sont toutes là, se mélangeant presque parfois. Dès que le feu passe au vert, chaque véhicule circule entre deux rangées de drapeaux qui effleurent le pare-brise.

Police nationale et pompiers sont là également, assurant une surveillance bon enfant.

À la sortie d’un musée, il faut généralement passer par la boutique de souvenirs. Ici, pour pénétrer dans l’enceinte de l’école, il faut d’abord circuler entre les stands de nourriture. BBQ et friteuses sont à l’honneur !

Enfin nous arrivons dans la cour principale. Une double rangée de barrières semble, à tort, réserver un passage aux VIP. De chaque côté sont installés deux immenses chapiteaux. Des chaises en plastique sont à disposition pour qui veut réfléchir une dernière fois à son vote, ou méditer sur celui qu’il vient de faire. La troisième option nous intéresse particulièrement, celle qui permet d’écouter tranquillement un petit orchestre amateur. Pas de jaloux, chaque chapiteau a le sien !

Inutile de préciser que mon Olympus, dont la batterie a été chargée à fond pendant la nuit, ronronne de plaisir…

Nous terminons l’inspection par les bureaux de vote proprement dit, disposés dans les salles de classe. Malheureusement l’accès n’est autorisé qu’aux porteurs de cartes d’électeurs.


Voiture rendue, nous voici à l’aéroport de Tahitique nous commençons à bien connaître.

Le stress commence à monter. Sommes-nous réellement « ready » pour affronter la douane et surtout le Bureau d’Agriculture de la Nouvelle-Zélande. Nous avons le billet d’avion pour continuer le voyage, mais sommes-nous prêts à passer sans encombre le contrôle sanitaire ?

Pour l’avoir connu en 1975, et pour avoir lu et relu les conditions d’entrée, des doutes subsistent. La liste des produits interdits est longue. C’est qu’il faut protéger ce territoire préservé, ses 45 millions de moutons et, accessoirement, ses 4,5 millions d’habitants. Nous avons laissé derrière nous le sachet de cacahuètes acheté pour d’éventuels apéritifs au bord du lagon. Mais que va-t-il arriver à la bouteille de Coca, dont le breuvage américain a été remplacé par la production de la distillerie de Huahine ? Et que penser de la boîte de sardines Connétable Label Rouge achetée au Super U de Huahine ? La suite dans un prochain article…